Plus haut que la mer
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Voici le deuxième roman que m'a mis d'office entre les mains Lise-Marie, libraire aux Passerelles de Vienne (38) le 18 juin dernier lors de l'apéritif littéraire organisé pour fêter le premier anniversaire de la librairie, lorsque je lui ai parlé du mois italien d'Eimelle. Imaginez une île, une petite île italienne située à proximité de la Sardaigne et de la Sicile, une petite île où se trouve la prison où sont enfermés les criminels et les assassins. Les pires. C'est sur cette île, en 1979, que se rendent Paolo et Luisa. Ils ne se connaissent pas. Luisa, paysanne et mère de cinq enfants, vient visiter son mari, emprisonné pour deux meurtres. Paolo, lui, c'est son fils qu'il vient voir dans ce lieu à la fois sordide, imposant et encore sauvage par bien des côtés. Son fils, incarcéré pour avoir tué de sang froid plusieurs hommes engagés dans une politique contraire aux idées prolétaires de celui-ci. Un présent bien difficile à supporter, à accepter pour Paolo, ancien professeur de philosophie. Cette visite, ces quelques mots au parloir auxquels Luisa et Paolo sacrifient, chacun de son côté, à dates régulières, aurait dû être semblable à toutes celles qui l'ont précédée. Mais ce jour-là, la mer est en colère. Le mistral, par sa force incontrôlable, empêche les bateaux de repartir et Luisa et Paolo sont contraints de passer la nuit sur cette île. Et de faire connaissance. Et de faire aussi la connaissance de Pierfrancesco Nitti, gardien chargé de les surveiller le temps de leur présence sur l'île. Tous les trois vont se dévoiler peu à peu, apprendre à se connaître, se raconter, se reconnaître aussi dans les yeux et dans le coeur de chacun d'eux. Chacun à sa façon. Chacun avec son histoire. Chacun avec ses émotions et sa force, ou ses faiblesses... La première chose que je veux faire à propos de ce roman, c'est remercier Lise-Marie qui m'a offert sans hésitation cette pépite, ce petit bijou de lecture. Remercier aussi Eimelle, dont l'affection qu'elle porte à l'Italie rejoint la mienne. Remercier enfin le hasard qui, encore une fois, fait bien les choses en faisant coïncider cette magnifique lecture, publiée chez Gallimard, avec la mise en avant sur son auteur, Francesca Melandri, souhaitée par Eimelle. Vous dire aussi que ce roman ne se raconte pas. Il se vit. Il se ressent par les mots, par le style, par l'écriture de Francesca Melandri. Une écriture à la fois poétique, douce, tendre, et forte. Une écriture qui nous trouble, nous émeut et nous bouleverse. Ce roman, c'est aussi une leçon d'Histoire. De l'Histoire de l'Italie à la fin des années 1970 début 1980. Par la douleur lancinante dont elle tisse chaque page, chaque chapitre, l'auteur nous fait découvrir la réalité d'un pays loin des images de rêve qu'il véhicule à longueur de temps. Cette réalité, c'est celle des habitants de l'Italie profonde. Et de ces personnages qui subissent un destin qu'ils n'ont pas choisi et qui, par miracle, vont avoir la possibilité de s'en saisir et de le transformer... à condition qu'ils le veulent aussi. Enfin ce roman, c'est surtout une belle histoire d'amour. Pas simple, bien sûr. Mais belle, vraiment! Un bijou, vous dis-je!