La tante marquise
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Quand Eimelle a proposé de lire un roman de Simonetta Agnello-Hornby en lecture commune (auteur que je ne connaissais pas) pour son mois italien, j'ai hésité entre deux titres : "L'Amandière" (dont Eimelle nous parle ici) et celui-ci "La tante marquise" paru chez Liana-Levi. Ce qui a déterminé mon choix : sa quatrième de couv' et son résumé. Il y est question de roux et de roux malin (dans le sens où il porte malheur). Or, dans ma famille, mon frère aîné est roux et mes nièces (les filles de ma soeur) sont rousses et, avec mon frère, j'ai grandi au rythme de ses colères, de ses idées de "vengeance" à faire subir à ceux qui, à l'école, se moquaient de lui à cause de la couleur de ses cheveux et le faisaient rentrer à la maison les yeux pleins de larmes et de reproches envers mes parents pour cette "plaie" qu'il était le seul à connaître et à vivre au sein de notre fratrie. Il se trouve aussi que, dans ma belle-famille sicilienne, le plus jeune fils est blond tirant vers le roux, au milieu de ses frères et soeur bruns de cheveux et de peau. Étrange, non, comme l'hérédité peut nous jouer des tours!!! Toujours est-il que ce roman de Simonetta Agnello Hornby se passe en Sicile à la fin du 19e siècle et sur une bonne partie du 20e. C'est là, à la Montagnazza, que grandit la petite Costanza Safamita, affublée d'une opulente chevelure rousse feu. Ce qui, donc, lui confère aux yeux de tous un caractère maléfique avec lequel elle doit vivre et une perception contre laquelle, très jeune, elle doit lutter. Ce roman, c'est une véritable saga. Difficile de vous en conter tous les innombrables aspects, événements, tellement ils sont denses. Ce qu'il faut en retenir, c'est ce sentiment de rejet, impulsé dès sa naissance par la propre mère de Costanza, puis de force qu'on éprouve. Force de cette croyance qui perdure encore. Et la force de caractère dont va devoir faire preuve la petite fille, une force qui va l'accompagner tout au long de sa vie, la rendre parfois impitoyable, lui donner l'aplomb, la dureté nécessaire pour trouver sa place et la conserver dans un monde en constante évolution, en pleine construction. Ce qu'on retient aussi de cette histoire, ce que j'en ai retenu (et ce qui, au-delà du sentiment partagé éprouvé envers Costanza), c'est la formidable leçon d'Histoire que nous offre Simonetta Agnello Hornby. L'Histoire de cette Italie en train de se construire, de s'unifier, qui traverse aussi les deux conflits mondiaux qui ont rythmé le 20e siècle, dont l'aristocratie assiste à la perte de ses avantages au profit de la bourgeoisie, qui voit aussi s'installer peu à peu la place grandissante que s'octroie la Mafia, avec toutes les horreurs qu'elle révèle... Enfin ce roman détonne également par sa construction très visuelle. Avant chaque chapitre, chaque scène, l'auteur introduit les personnages, ce qu'ils sont en train de faire, où ils se trouvent, à quel moment... ce qui fait qu'on "voit" véritablement l'histoire. Ce n'est pas une construction à laquelle je suis habituée. Elle n'est pas sans me rappeler les pièces de théâtre classiques lues pendant mes études. Et, tout compte fait, j'aime assez. Suffisamment en fait pour vous donner envie (j'espère) de lire aussi l'histoire de Costanza, cette femme belle et fière.