D'acier
Quand j'ai dit aux libraires de la librairie Passerelles à Vienne (38) lors de l'apéritif littéraire du 18 juin dernier que je préparais ce mois italien avec Eimelle, elles m'ont aussitôt mis en mains deux romans en m'affirmant qu'il fallait absolument les lire, que ces deux ouvrages étaient les dignes représentants de la littérature italienne contemporaine. Et elles avaient raison. Pour les deux.
Le premier de ces deux romans (en lectures communes tous les deux pour le mois italien), c'est "D'acier" de Silvia Avallone, paru chez Liana Levi et réédité chez J'ai lu.
"D'acier", ce sont les barres qui garnissent les immeubles en béton de Piombino, petite ville ouvrière de Toscane, où vivent les jeunes Francesca et Anna, 14 ans tout juste, amies d'enfance et "pour la vie", délurées, belles et en prenant conscience, et avides de découvrir le monde, forcément plus beau... ailleurs.
"D'acier", ce sont aussi les usines si proches qu'on peut les toucher, y entrer, y travailler et où travaillent les parents des deux jeunes filles mais aussi ceux de leurs camarades, filles et garçons, et tant d'autres, jeunes ou moins jeunes.
"D'acier", ce n'est sûrement pas ce qu'on devine, à proximité, en face, sur l'île d'Elbe qui se pointe à quelques centaines de mètres de distance sur la mer, bleue, si bleue, si scintillante, cette île si merveilleuse et terriblement inaccessible.
Dans cet univers paradoxal où la laideur d'un quotidien ouvrier, de labeur, de fatigue, de renoncement, côtoie la beauté de cette île si attirante, paradisiaque, grandissent ces adolescents. Anna et Francesca qui rêvent de devenir célèbres, cela semble tellement facile vu de la télé. Les autres filles, leurs copines ou du moins celles qui voudraient l'être et envient leur belle amitié. Et puis les garçons, ces ados prétentieux qui n'en peuvent plus de se donner un genre qui ne leur correspond pas, mais il faut bien éblouir les filles, les "appâter"...
Ce roman, c'est celui d'une jeunesse complètement perdue. Une jeunesse universelle, qui n'est pas l'apanage de l'Italie. Des jeunes garçons et filles qui se cherchent, qui ont du mal à vivre avec le quotidien que leur imposent leurs parents, qui rêvent de célébrité facile et se trouvent confrontés à la vie dans ce qu'elle a de plus dur, de plus brutal, de plus sordide. L'amitié invincible qui lie Francesca et Anna saura-t-elle résister à ces chaos qui remuent leurs jeunes existences et gagner son pari sur leurs vies?
Avec une écriture à la fois brutale et vraie, Silvia Avallone nous offre un récit choc, un récit fort et nous y retient par le regard attentif et attentionné qu'elle-même semble porter sur ses jeunes protagonistes et sur leurs familles. Une certaine tendresse se dégage de ce roman. Une tendresse qui nous prend et nous enveloppe, qui est là pour nous réveiller, nous alerter. On ne peut que se laisser porter, emporter par ce récit, par ce qu'on sent confusément et qui peu à peu prend forme et nous atteint en plein coeur.
Un roman subjuguant que ce "D'acier" qui a également été porté sur grand écran et que j'espère avoir la chance de voir bientôt!