Le serment des oliviers
Retour à un genre de lecture que j'apprécie particulièrement, les romans du terroir, avec ce "Serment des oliviers" de Georges-Patrick Gleize, paru chez Calmann-Lévy dans la collection France de toujours et d'aujourd'hui.
Là, nous sommes dans l'Ariège, un département que je ne connais pas mais que les mots, les descriptions que nous en fait Georges-Patrick Gleize m'invite fortement à découvrir. Sur le domaine du Bellerive, près de Mirepoix. En cette fin d'été 1937, on ressent encore les dernières chaleurs estivales, la présence des vacanciers qui ont pu bénéficier des premiers congés payés. Mais le temps n'est pas à la détente, Aristide Galy le sait bien. Lui qu'on surnomme "la Chauve-Souris" à cause de son physique ingrat, est employé à l'état-civil depuis quelque 40 ans. Un travail, morne et monotone certes, mais qu'il effectue avec une grande conscience professionnelle. Aussi c'est avec une contrariété certaine qu'il découvre, ce matin-là, qu'un de ses registres sort de l'alignement conforme dans lequel il les classe et range et, pire encore, que dans celui-ci, celui de l'année 1912, une page a été arrachée! Comment? Pourquoi? Aristide n'a pas vraiment le temps de s'en préoccuper pour l'instant car une dame, puis les premiers visiteurs l'attendent et il doit vite reprendre son poste. Mais... il ne lâchera pas cette affaire!
Pendant ce temps, sur le domaine du Bellerive et dans les autres propriétés, on se prépare pour les vendanges. C'est qu'avec cet été, très chaud, qu'il y a eu, elles promettent d'être excellentes et il y a du travail. Tellement d'ailleurs qu'il faut embaucher du personnel saisonnier supplémentaire, et parmi celui-ci, deux jeunes femmes, deux soeurs, prétendument ouvrières au chômage, ce dont André, le fils du régisseur du domaine doute. D'autant plus qu'Irène, la plus jolie des deux, refuse ses avances, de même que celles du propriétaire Maître Sarrail et de son fils, insupportable d'arrogance. Quand Irène disparaît subitement et qu'un morceau déchiré de sa robe est retrouvé à proximité d'un couteau ensanglanté, tous les soupçons se portent sur André et le jeune homme est condamné. Mais la guerre gronde, puis éclate. "L'affaire" semble oubliée. Pas pour tout le monde...
Ce que j'apprécie dans ce roman, outre l'écriture savoureuse, pleine de cette atmosphère trouble et prégnante de l'auteur, c'est sa façon de poser les éléments les uns après les autres, comme s'il réalisait un puzzle. Tout s'emboîte à merveille. Ce qu'on pensait anodin à certain moment, ce à quoi on n'a pas prêté suffisamment attention, se révèle soudain essentiel. Mais c'est bien sûr! La construction est minutieuse, patiente et presque machiavélique. Le talent de conteur de Georges-Patrick Gleize se révèle alors avec évidence. Sa façon d'introduire dans son récit des expressions en patois régional, ses descriptions, ses ambiances, tout a son importance et gare, si on a sauté un paragraphe qui nous semble un peu trop long, car il faudra y revenir pour comprendre et accepter le mystère qui imprègne cette histoire, ce lourd secret mis enfin à jour!