Parce qu'ils sont arméniens
J'ai assisté vendredi soir à la rencontre organisée par la Maison de la Culture Arménienne avec Pinar Selek à ma médiathèque La Passerelle dans le cadre de la commémoration du Centenaire du Génocide Arménien.
Vous le savez peut-être. Valence (et Bourg-lès-Valence) accueillent une importante communauté arménienne installée essentiellement après le génocide. Il y aura donc de nombreuses manifestations proposées pour commémorer ce triste anniversaire tout au long de cette année 2015 et notamment pour le 24 avril.
Pinar Selek est turque, née à Istanbul le 8 octobre 1971, de parents opposants au régime politique en place (son père sera emprisonné pendant 5 ans lors de son enfance), devenue sociologue, militante féministe et pour la paix. Exilée politique en France, après avoir aussi été emprisonnée pendant 2 ans 1/2, elle enseigne aujourd'hui les sciences politiques à l'ENS de Lyon et elle écrit pour faire connaitre son parcours, faire entendre sa voix et celle de tous les opprimés qu'elle défend.
Chez Liana-Lévi, elle a publié "La Maison du Bosphore" en 2013 et cet essai "Parce qu'ils sont arméniens" dans la collection Opinion, paru le 5 février dernier et dont elle est venue nous parler vendredi soir.
Dans ce petit livre d'à peine 90 pages, Pinar Selek raconte ses souvenirs d'enfance dans un pays où le négationnisme est omniprésent, où l'existence-même des arméniens est niée, où les soldats turcs ne tuent pas, où être arménien est le pire défaut qui soit. Une enfance vécue entre deux mondes diamétralement opposés : chez elle où malgré l'emprisonnement de son père (ou à cause de, peut-être) elle n'entend parler que de droits de l'homme, de liberté, d'égalité, et à l'école où elle côtoie des petites filles arméniennes craintives, qui ne se rebellent pas, qui restent silencieuses et où on l'abreuve de slogans vantant la supériorité nationale turque. Une enfance et une jeunesse vécues dans une ville où tous les noms de rue arméniens ont été effacés, supprimés. Et un sentiment d'incompréhension et de malaise qui s'installe, qui grandit au point de la pousser à trouver des réponses, celles qui iront dans le sens de la pensée familiale, dut-elle en subir elle aussi les conséquences, lourdes et effroyables.
J'ai lu cet essai en milieu de semaine avant d'assister à cette rencontre. Je voulais savoir à quoi m'en tenir, à quoi m'attendre. Cette lecture m'a dans un premier temps littéralement émue, bouleversée. Cette rencontre, ensuite, a fait le reste. C'est un livre qu'il faut lire. Juste, vrai, authentique, sincère. C'est un livre qui instruit, sans tabou, en toute honnêteté. Qui dit les choses telles qu'elles ont été et telles qu'elles sont encore.
Un texte fort, poignant, humain.
Et une femme étonnante, incroyable, magnifique. Une femme qui lutte pour toutes les minorités, quelles qu'elles soient, une femme qui lutte pour la liberté d'expression, partout dans le monde.