Le poète de Bellevue
/image%2F0991692%2F20140906%2Fob_0596e5_le-poete-de-bellevue.jpg)
Ainsi que l'annonce son titre, ce roman tout entier est un long poème tout en finesse, sensibilité et rêveries grâce à la belle écriture de Gérard Georges.
Paru aux Presses de la Cité dans la collection des Terres de France, "Le Poète de Bellevue" retrace la vie, courte, de Jocelyn Marsin, poète écrivain journaliste auvergnat méconnu à qui l'auteur, associant une certaine identification avec son propre parcours, rend un vibrant hommage.
Deuxième fils de Marguerite et Jean-Baptiste Marsin, pharmacien clermontois, Jocelyn naît en 1844, deux ans après son frère aîné Edmond. De santé fragile, les deux frères tombent assez souvent malades, victimes du climat auvergnat, des "virus" que transportent malgré eux les clients de la pharmacie paternelle, selon leur mère qui souffre pratiquement autant que ses fils de leurs toux chroniques et qui le leur fait bien sentir. Même le déménagement au château de Bellevue à Royat ne pourra aider les deux enfants à acquérir une meilleure santé.
Initiés à l'art de la poésie par leur précepteur Odilon Poinsot, les deux frères rivalisent de talent mais, seul, Jocelyn va entreprendre des études de lettres qui feront de lui un journaliste chroniqueur littéraire reconnu. Amoureux éconduit de la belle et inconstante Laure de Veauce, le jeune homme poursuivra sa carrière quelque temps à Pau. Mais la maladie sera la plus forte. Huit ans après Edmond, en 1876, Jocelyn décède lui aussi de phtisie galopante, cette tuberculose que nul ne pouvait guérir encore dans ce 19e siècle.
Alternant l'écriture à la première personne du singulier pour se mettre dans la peau de Jocelyn, et le récit romancé de sa vie, Gérard Georges nous charme par le destin hors du commun de ce poète quasi inconnu.
Et de fait la poésie domine ce roman de la première à la dernière page. Placé sous l'empreinte des grands Romantiques, on s'immerge complètement dans ce 19e siècle marqué par la présence politique de Napoléon III et de ses opposants royalistes.
Entre la correspondance que Jocelyn Marsin entretient avec Théophile Gautier, la reconnaissance que lui accorde Victor Hugo du fond de son exil, l'amitié que lui porte François Coppée et sa fréquentation des cercles littéraires, c'est toute une époque aujourd'hui bien disparue que s'attache à nous faire découvrir et revivre Gérard Georges. Un univers un peu précieux, délicat, sensible dans lequel on pénètre à petits pas et où on aimerait bien rester encore un peu. Malgré ses drames, la douleur qui les accompagne et l'impuissance avouée face à la maladie. Une atmosphère feutrée, ouatée et empreinte de douceur qu'on peine à quitter tant l'écriture de Gérard Georges nous porte et nous emporte. Un destin "maudit" à l'image de ceux des grands poètes de cette époque que l'auteur nous fait connaitre et reconnaître par le simple pouvoir de ses mots.