Et le gagnant est...
Peut-être vous rappelez-vous l'excellente nouvelle partagée ici début septembre. Et bien après quelques semaines d'attente due à la création des trois groupes de lecteurs au sein du "Comitato di lettura di Lyon" et à la réception des livres, j'ai lu, entre fin novembre et fin janvier, les huit premiers romans italiens que Cristiano, responsable de l'association La Lucciola vagabonda, nous avait imparti en fonction des 24 en compétition pour le Festival du Premier roman de Chambéry, section Italie.
Malgré deux abandons, j'ai pris grand plaisir à lire ces premiers romans et à établir mon classement par ordre de préférence. Les votes de chacun étant additionnés à la fin pour ne garder qu'un titre par groupe pour la finale.
Pour mon groupe, c'est le roman "Jimmy, l'Américano" de Roberto Todisco (que j'avais classé en deuxième position) qui a été proposé au vote final au côté de "Aspettando i naufraghi" de Orso Tosco et "La madre di Eva" de Silvia Ferreri, choisi par les lecteurs des deux autres groupes. Ce sont donc ces deux derniers romans que j'ai lus début février et parmi ces trois titres que nous avons choisi notre finaliste hier après-midi à Lyon.
Et ce dimanche, je suis vraiment très heureuse de vous annoncer que notre roman préféré est "La madre di Eva", roman qui m'a beaucoup plu, émue et bouleversée!
Dans une clinique quelque part en Serbie, une femme attend. Et pense, se souvient, s'interroge, se remet en question, essaie d'accepter ce qui reste difficile à comprendre. Elle seule est venue, a accompagné sa fille, Eva, 18 ans à peine et qui, derrière les murs de cette salle d'opération est en train de subir sa transformation, celle qu'elle appelle de tout son corps, de toute son âme depuis si longtemps, devenir et être enfin un garçon, un homme.
Au fil des pages de ce quasi monologue, on suit cette femme, cette mère dans toutes ses réflexions, ce cheminement, cette quête qui, par bien des aspects, reste sans réponse. Par sa voix, on apprend à connaître Eva, on la voit grandir, on assiste à sa demande, lancinante, incessante, ses colères, ses incompréhensions, son bonheur à peine voilé par les difficultés physiques et morales quand elle commence le traitement nécessaire et inhérent à l'intervention chirurgicale.
Par la voix de la mère, on découvre aussi tout ce qui la touche, l'atteint en tant que femme et mère mais aussi en tant qu'épouse, face à l'image de son mari qu'elle réapprend à connaître dans le regard que lui renvoie sa fille.
Ce récit m'a vraiment bouleversée, au-delà de ce que j'aurais pu penser. La question de l'identité y est traitée de façon sobre et pudique et toujours avec lucidité. Les interrogations de cette femme et mère, toute femme et mère peut un jour se les poser. Elles remettent en perspective la maternité, l'éducation qui, qu'on le veuille ou non, reste encore et toujours une question de genre.
C'est un roman fort et émouvant, universel, qui évite les pièges d'une quelconque mièvrerie ou complaisance. De plus il est vraiment très bien écrit, ce qui ajoute encore à sa qualité littéraire.
J'espère à présent que le choix des trois autres comités de lecture participant au vote pour le prix du Premier roman italien du Festival de Chambéry se portera aussi sur ce roman et avoir ainsi la possibilité de rencontrer son auteur, Silvia Ferrei, en mai prochain lors de la 32e édition du Festival du premier roman de Chambéry.