La petite barbare
Dès sa sortie, le 13 août dernier, ce premier roman d'Astrid Manfredi "La petite barbare" paru chez Belfond, la blogosphère littéraire et les grands du monde littéraire l'ont encensé et je n'avais qu'une envie : le lire aussi. Ce que j'ai pu faire grâce à l'Insatiable Charlotte et son projet fou "les 68 premières fois". Et ce, pas plus tard que dimanche dernier.
Et là, comment dire, le "p'tit truc" en plus qui fait que le contact passe immédiatement avec une lecture ne s'est pas fait, ça n'a pas fonctionné et c'est avec un sentiment de malaise et de déception que j'ai terminé ce roman.
Du coup, eh bien, j'ai hésité à en parler ici. Ayant appris qu'Astrid Manfredi ferait partie des invités de La grande librairie ce jeudi 3 septembre, je me suis donnée le temps de la réflexion, d'en parler notamment avec Charlotte, qui m'a bien rassurée sur ce sentiment mitigé, et d'écouter l'auteur parler de son roman à François Busnel.
Et je pense avoir bien fait. Non seulement cela m'a permis d'y voir plus clair sur certains points (les questions de Busnel y ont fortement contribué) et de comprendre surtout pourquoi Astrid Manfredi a choisi d'écrire ce roman à la première personne du singulier, ce "je" qui m'a troublée, dérouté et mis de la distance entre ce récit et moi.
"La petite barbare", c'est le surnom qu'ont donné à la narratrice ses codétenues dans la prison où elle purge une peine pour meurtre, à tout juste 23 ans. Barbare, parce qu'elle est froide, lointaine, dure, inflexible, implacable et qu'elle résiste à tous les coups bas, à toutes les insultes, à toutes les disputes, les luttes infâmes créées par cette extrême proximité, n'hésitant pas à se battre quitte à risquer la cellule d'isolement.
Retour en arrière pour comprendre pourquoi, comment elle en est arrivée là. Sur son enfance du mauvais côté de la balance en banlieue parisienne, son adolescence et déjà cette volonté farouche de sortir de son univers et d'entrer dans le beau monde, du côté des mille lumières des Champs-Elysées. Elle est belle. Elle en joue. Elle s'y brûle jusqu'à commettre cet irréparable.
Ce récit, je vous l'ai dit, m'a fait froid dans le dos par sa dureté, son implacabilité, m'a mise mal à l'aise par sa froideur, cette distance, cette absence totale d'émotions, de sentiments qu'il dévoile. Un malaise certainement renforcé, outre l'emploi de ce "je", par la construction-même du récit, en des chapitres très courts. Deux voire trois pages. qui créent un rythme accéléré, comme si tout devait se passer très vite, qu'il ne faille pas s'attacher, prendre le temps de comprendre et peut-être s'apitoyer. Or, de pitié, "La petite barbare" n'en veut pas, surtout pas. Ce qu'elle veut, ce qu'elle cherche, ce n'est pas de retenir notre attention, de nous émouvoir, mais, bien au contraire de s'en sortir, d'aller au bout de son rêve, avec ses seuls atouts en mains, sa beauté, sa force et sa violence. Et ça, pour moi, c'est trop. Les émotions qu'elle nie, qu'elle rejette, qu'on voudrait, nous, éprouver, sont absentes. Vraiment. Sans doute est-ce le choix de l'auteur. Et alors, il est réussi.
Je vous invite à lire les avis de mes collègues blogueuses du groupe 68 premières fois : L'Irrégulière, Hélène et Eimelle.