Jacques, l'enfant caché

Publié le par Martine

Jacques, l'enfant caché

Voici un livre que j'ai eu de suite envie de lire lorsque j'ai découvert sa parution en exclusivité chez France Loisirs. D'abord parce que j'apprécie beaucoup les romans signés Emmanuelle Friedmann et surtout parce que l'écrivain aborde ici un thème qui m'intéresse toujours autant, à savoir la période de la Deuxième Guerre mondiale et ses questions inhérentes : qu'aurais-je fait, moi? Comment me serais-je comportée en ces temps-là?

Ce qui m'a profondément marquée dans cette lecture, que Serge Klarsfeld qualifie dans sa préface de "tentative passionnante et passionnée de fille d'enfant caché pour rester proche de son père disparu", c'est que ces questions, et d'autres, Emmanuelle Friedmann se les pose aussi, et avec davantage d'acuité encore. Et pour cause! Ce livre, qui n'est ni un roman, malgré son style et son écriture, ni un essai, se rapproche plus du témoignage, d'un récit fait pour laisser une trace de ce que cette guerre et ses atrocités ont causé sur des enfants sans que jamais, ou trop rarement, on ne leur ait donné l'occasion d'en parler.

En cette année 1943, la vie est de plus en plus difficile pour les Parisiens, et encore plus pour les personnes de confession juive, contraintes à se cacher, à ne pas se faire remarquer, en particulier depuis ce 16 juillet 1942 et ce que l'Histoire appellera "la rafle du Vel d'Hiv". Blima, est de ces personnes. Avec son fils Jacques, âgé de 7 ans, elle vit caché chez son frère qui, par son mariage avec une Italienne, parvient encore à survivre de son travail de tailleur. 

Mais cette existence contrainte au silence ne convient pas à un enfant de l'âge de Jacques qui a besoin de jouer, d'aller à l'école, de parler tout simplement. Alors, le coeur déchiré, Blima décide de le confier au pasteur Jean Jousselin qui, avec son épouse Elodie, a ouvert un camp scout, un genre de colonie, en banlieue où il accueille des enfants de confession protestante mais surtout, prenant d'énormes risques, juive. Là, Jacques sera avec d'autres enfants, pourra aller à l'école, vivre en plein air, jouer pendant que Blima se cachera dans une cave en espérant que la guerre finisse rapidement.

En plus du chagrin lié à la séparation, Jacques doit aussi apprendre à vivre en collectivité, sous une autre religion que la sienne, et dans la crainte de ne jamais revoir sa mère, ni ses frères et soeurs, nés du premier mariage de son père, communiste passionné arrêté et fusillé en 1941, ni sa chère grand-mère. 

A travers la douloureuse enfance de son père, Emmanuelle Friedmann rend ici un bel hommage au pasteur Jousselin (reconnu Juste après la guerre). Un hommage que son père n'a pas voulu, ou pu, rendre au cours de sa vie d'homme et de père. Peut-être parce qu'il n'en a pas eu l'occasion. Mais, plus certainement, parce que, ainsi que nous l'explique Emmanuelle Friedmann en fin d'ouvrage, quand ces enfants ont pu retrouver leur famille ou, pour les plus malheureux, être accueillis dans des centres spécifiques, rien ou très peu n'a été fait pour les écouter, pour entendre leur souffrance ressentie pendant ces années. Enfants ils étaient encore et enfants ils devaient être encore.

Avec tact, douceur et une immense tendresse, Emmanuelle Friedmann rend à son père sa dignité d'enfant meurtri, lui apporte la reconnaissance pour son attitude et son courage et lui redonne sa voix, celle qu'il a dû taire trop longtemps, et les mots qu'il aurait voulu entendre.

Cette histoire bouleversante, remplie de pudeur et d'affection, paraîtra prochainement aux Presses de la Cité dans la collection Terres de France.

Jacques, l'enfant caché
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P
Je ne connais pas l'auteure, mais son livre pourrait me plaire.<br /> Bonne soirée.
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M
Une lecture attachante et un très bel hommage à tous ces enfants grandis trop vite !
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