Sur tes genoux

Publié le par Martine

Sur tes genoux

Lorsque je suis allée à la séance de dédicaces d'Angélique Villeneuve, le 10 décembre dernier, à la librairie Les Oiseaux rares à Paris, la charmante libraire m'a offert la revue des librairies indépendantes Initiales, dans laquelle se trouve une très belle interview d'Angélique Villeneuve, ainsi que cette nouvelle inédite "Sur tes genoux". 

Comme tous les dimanches, la narratrice rend visite à son père âgé. Une visite qu'elle "s'impose" chaque semaine, tout comme l'appel téléphonique du mercredi soir, pour rester en contact, conserver un lien, une relation filiale avec le vieil homme, seul, depuis le décès de leur épouse et mère. Ces visites dominicales, la narratrice, fille unique, les vit un peu comme une corvée, se déroulant suivant le même rituel, les mêmes attitudes, les mêmes scénarios, répétés semaine après semaine : du repas vite pris à 11h35 aux petites courses qu'elle va lui faire ensuite, avant 13 heures, heure de fermeture de la petite supérette de quartier le dimanche.

C'est d'ailleurs à ce moment-là, quand elle s'applique à prendre exactement ce que son père lui a commandé et qu'elle y ajoute une ou deux fantaisies de son choix, sur le trajet jusqu'à la supérette, aller et retour, qu'elle se sent le plus proche de lui, ce père qu'elle a un peu perdu de vue, oublié au milieu de toutes ces habitudes. A ce moment-là seulement qu'elle l'imagine en train de la suivre dans son parcours, l'accompagnant par la pensée.

Mais tout ceci est remis en cause, ce dimanche, au moment où une cliente de la supérette, victime d'un malaise, s'effondre sur la narratrice. Le lien, fragile, de l'imagination entre la fille et son père se rompt tout à coup. Et remontent alors les souvenirs d'enfance, quand ce père tendrement chéri l'asseyait sur ses genoux et lui enseignait la nature, les arbres, les oiseaux à travers la fenêtre du séjour de l'appartement familial. Et s'ils se mettaient tous deux à évoquer ces souvenirs, ensemble...

Que dire de plus sur cette nouvelle? Qu'ajouter à ces mots d'Angélique Villeneuve, quand l'écrivain a tout dit, ce qu'elle a écrit et tout ce qu'elle ne dit pas mais qui est là, présent derrière chaque ligne, dans tous les silences que la structure narrative laisse planer.

Ce texte m'a particulièrement émue, touchée. Parce qu'il réveille en moi ce sentiment d'agacement éprouvé plus souvent qu'à mon tour envers les "obligations" filiales qui m'incombent vis à vis de ma mère et qui me font oublier l'enfance et tout ce que j'ai appris d'elle, tout ce que je porte d'elle en moi. 

Et puis il y a l'écriture, si sensible, si pudique, si humble, si belle, d'Angélique Villeneuve. Une écriture où chaque mot est un cadeau, chaque phrase un présent inestimable, un don de soi pour soi. Une écriture comme un écho, en résonance avec notre part la plus intime. une écriture à la fois douce et lumineuse, troublante et majestueuse.

Emue, je reste...

 

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A
Très émue de vous lire à mon tour, Martine...<br /> à bientôt je l'espère, à travers les livres ou ailleurs!<br /> angélique
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M
A travers vos livres, sûrement! Merci Angélique!