Garde-corps
Je n'ai pas pu.
Je n'ai pas pu lire jusqu'au bout ce premier roman de Virginie Martin "Garde-corps" paru chez Lemieux-Editeur, et retenu pour sa qualité littéraire par notre Insatiable Charlotte et ses complices Nicole et Eglantine dans la sélection de septembre des 68 premières fois.
Je n'ai pas pu et je m'en désole. Pourtant j'ai essayé. Une première fois, puis une deuxième, une troisième et même une quatrième et dernière fois avant de me résoudre à renoncer. Ce roman n'est pas pour moi ou ce n'est pas, pour moi, le bon moment pour le lire.
Alors, pourquoi vous en parler, allez-vous peut-être vous étonner? Ce à quoi je vous réponds : parce que c'est un roman de belle qualité littéraire, à l'écriture parfaitement maîtrisée, à la construction habile et que, ce n'est pas parce qu'il n'est pas pour moi (maintenant) qu'il ne peut pas être pour vous.
La première scène de ce roman est terrible, d'une violence extrême. Gabrielle, collégienne d'à peine 12 ans, se fait odieusement violer par un "camarade" de collège, de trois ans plus âgé, pour qui, on l'apprend par la suite, elle nourrissait quelque tendre sentiment. Ce viol, la réputation que le garçon va faire porter à Gabrielle, au lieu de l'anéantir, va, au contraire, l'endurcir, l'insensibiliser, la rendre effrayante de froideur. A la fois glaciale et glaçante. L'outrage extrême qu'elle a subi l'a blindée. En elle, il n'y a plus aucune place pour la douceur, la pitié. Elle est comme une pierre froide. Inhumaine.
Je pense que ce qui m'a été le plus difficile dans ce que j'ai lu de ce roman, c'est ce côté déshumanisé. Plus personne n'a d'importance aux yeux de Gabrielle. C'est terrible, horrible d'en arriver là, de devenir comme ça. Et la question que je me pose depuis, c'est "est-ce parce que personne, dans son entourage proche, sa famille, et notamment sa mère, ne s'est rendu compte de la douloureuse épreuve qu'elle venait de vivre à 12 ans?" Malgré le fait qu'elle soit parvenue à cacher et étouffer cette honte qui l'a accablée alors, une personne attentive, sa mère, aurait-elle dû deviner, percevoir un changement, même infime, dans le comportement de sa fille?
Je n'ai pas la réponse bien sûr. Et, surtout, je ne sais pas si, moi, j'aurais pu remarquer quelque chose sans que mon enfant ait eu besoin de se confier si il ou elle avait été victime d'un tel acte, Je ne le saurai jamais. Et la force de ce roman a été de me poser cette question.
Sa construction, je l'ai dit plus haut, est aussi un atout à cette lecture. L'auteur, Virginie Martin, a en effet choisi d'alterner son récit entre un chapitre consacré à Gabrielle à 12 ans, le suivant quelques trente ans plus tard, alors qu'elle est devenue ministre, une femme à qui rien, ni personne ne résiste. Un récit croisé dont l'écart se réduit au fur et à mesure qu'on avance dans sa lecture. Jusqu'à ne plus faire qu'un?...